L'histoire des transistors





Historique


Nous voici avec cette présentation du transistor replongés plus de cinquante ans en arrière pour essayer de comprendre ce que fut une des plus grandes révolutions technologiques du siècle dernier.
La découverte du transistor ou plutôt de l'effet transistor est sans doute l'une des plus grandes inventions du 20e siècle. Cette découverte va démonter par la suite l'importance de la recherche fondamentale dans le domaine de l'industrie. C'est officiellement le 30 juin 1948 qu'est annoncé par Ralph Bown qui est alors directeur de recherche des laboratoires Bells la découverte du transistor. Personne n'a alors en vue l'incroyable révolution technologique que le transistor va déclencher, le New York Times de l'époque ne parle de cette annonce qu'à la page 46.
Dès 1915 la société Américaine de téléphonie et télégraphie (AT&T) recherche un moyen d'amplifier les signaux téléphoniques afin de pouvoir établir des communications longues distances. On fait alors appel entre autre à Lee de FOREST (inventeur de la triode en 1907) pour réaliser cette opération. Le système fonctionne mais l'on sait déjà qu'il faudrait trouver à terme une autre solution pour compenser l'extension de la téléphonie.
Dans les années 45 M.Kelly ,directeur de la recherche des laboratoires Bells (Bells Labs est la division de recherche d' AT&T) s'intéresse de près aux semi-conducteurs notamment au silicium présent dans les radars, celui-ci fait appel à WB.Shokley (de Bells labs également) afin de bâtir une équipe pour trouver une solution (à base de semi-conducteur) pour réaliser un amplificateur. WB.Shokley est fortement influencé par les travaux sur l'effet de champ réalisés par JE.Lilienfeld en 1928 (JE.Lilienfeld est indirectement et sans aucun doute à l'origine de la découverte de l'effet transistor) et oriente la recherche sur un système basé sur l'effet de champ et capable d'amplifier un signal. Schokley1 fait appel à deux brillants ingénieurs WH.Brattain2 et J.Bardeen3 pour faire aboutir le projet.























                                                                                    Shokley Brattain et Bardeen



Les premières tentatives sont vouées à l'échec et l'effet de champ ne se concrétise pas. Les trois physiciens ne se découragent pas, tout se passe comme ci il existait un barrage au champ qui devait théoriquement modifier le passage des électrons dans un barreau de semi-conducteur. WH.Brattain très pragmatique finit par obtenir un faible signal en posant une goutte d'eau entre l'électrode de commande et le barreau de silicium mais sans obtenir les résultats attendus (l'eau a en quelque sorte neutralisé le barrage en surface). A force de tentatives et d'essais WH.Brattain et J.Bardeen finirent presque par hasard (juste avant Noël 1947) à poser directement l'électrode de commande (en or) sur le barreau de semi-conducteur en silicium (l'isolant ayant été enlevé accidentellement), là oh surprise un courant apparaît dans le barreau de semi-conducteur et plus important, celui-ci est en relation direct avec la tension appliquée sur l'électrode de commande l'effet transistor vient d'être découvert. En fait au lieu de modifier un flux d'électrons avec un champ les deux physiciens comprirent rapidement qu'ils avaient injectés des porteurs dans le barreau de semi-conducteur provoquant ainsi une conduction.















     Principe de l’effet de champ par Lilienfeld                                    Le premier transistor à pointe     














                                  Le brevet en 1950


WB.Shokley en s'inspirant du principe des tubes à vide améliore par la suite le transistor afin qu'il devienne réalisable et qu'il puisse être industrialisé, ce sera les débuts du transistor à jonction. Par la suite Bells labs autorise l'utilisation et la fabrication des transistors, très peu de sociétés sont alors intéressées par le transistor, toutefois au Japon des ingénieurs vont récupérer cette découverte et en profiter pour réaliser les premières radios de poche qui ouvrent alors les vannes de l'information. Une grande firme mondiale sera créée par la suite …SONY.
WB.Shokley croit en l'avenir du transistor et de ses applications futures, il créé en 1955 sa propre entreprise "Shokley Semiconductor" et s'installe dans la silicon vallée, endroit mythique dont on connaît aujourd'hui l'envergure. Les débuts sont très difficiles et Shokley Semiconductor dépose le bilan par manque de clients, encore une fois son projet est trop ambitieux et peut être  trop en avance sur son temps…
Les années passent et l'on sait que de plus en plus les transistors remplaceront les tubes à vide trop gourmand en énergie et en encombrement. En 1961 la société Fairchild (créé par des ingénieurs qui ont quittés la firme "Shokley Semiconductor" ) fabrique et commercialise le premier circuit intégré à partir d'une plaque de silicium dans laquelle sont crées des fonctions à base de transistors. C'est la continuité d'une grande aventure qui ne cessera de progresser. Le transistor est bien plus petit qu'un tube à vide et le gain de place peu atteindre un volume, mille fois inférieur. Il consomme peu de courant, ne chauffe quasiment pas et est plus fiable. Ses fonctions de base sont quasiment identiques avec celles d'un tube à vide de type triode, dont le rôle est de contrôler le passage d'un fort courant avec un courant de commande plus faible. Le transistor conquiert petit à petit toute l'industrie électronique.
En 1969, la firme Busicom fabricant de calculatrices, s'adresse à Intel, l'un des grands industriels du circuit intégré aux Etats-Unis dont les fondateurs G.Moore et B.Noyce ne sont entre autre que les anciens collaborateurs de WB.Shokley, pour obtenir un circuit spécialisé pouvant traiter des données stocker celles-ci , réaliser des calculs arithmétiques, et transférer des informations dans une mémoire. Les ingénieurs de chez  Intel réalisent ce circuit qu'ils nomment processeur . Ce premier circuit est à la base de toute l'informatique d'aujourd'hui. En 1971, Intel livre à Busicom les premiers processeurs qui deviendront par la suite microprocesseurs, vis-à-vis de leur taille.
En 1972 est commercialisé le premier microprocesseur le 4004 par la société Intel. Aujourd'hui tous les systèmes à microprocesseurs ont bénéficiés de l'intégration à très grande échelle des transistors. Pour souligner l'exploit technologique de l'époque, c'est un 4004 qui équipa la sonde pionner X lors de son départ terrestre le 2 mars 1972 et qui aujourd'hui se trouve aux confins de notre système solaire, notez au passage que la mission ne devait durer que 21 mois.
En 1965 Gordon Moore prédit que la cadence d'intégration des transistors dans une puce doublerait tous les deux ans. Cette loi célèbre portant son nom est presque toujours d'actualité. A titre de comparaisons entres deux époques le microprocesseur 4004 créé en 1972 comportait 2300 transistors, aujourd'hui on atteint le milliard de transistor dans une puce (Dual Core). Pourtant il semblerait qu'une limite technologique due à des contraintes de chaleur et de finesse de gravure soit atteinte ceci stoppera peut être les prévisions du célèbre G.Moore qui a su au moment opportun profiter de l'envolée technologique du transistor.










































                                                                                     Loi de moore







William Bradford Shockley
Né en 1910, décédé en 1989 (Etats Unis) Il obtint avec  John Bardeen et Walter Houser Brattain le prix Nobel en 1956 Pour ses travaux sur les semi-conducteurs et la découverte de l'effet transistor
Walter Houser Brattain
Né en 1902, décédé en 1987 (Etats Unis) Il obtint avec  John Bardeen et William Bradford Shockley le prix Nobel en 1956 Pour ses travaux sur les semi-conducteurs et la découverte de l'effet transistor
John Bardeen
Né en 1908, décédé en  1991 (Etats Unis) . Il obtint avec  Walter Houser Brattain et William Bradford Shockley le prix Nobel en 1956 Pour ses travaux sur les semi-conducteurs et la découverte de l'effet transistor. En 1972 il obtint un 2eme prix Nobel pour  le développement d'une théorie de la supraconductivité qui fournit une explication théorique complète du phénomène avec Leon Neil Cooper et John Robert Schrieffer. Il fait partit du cercle des hommes d'exception à obtenir deux prix Nobel.



L'effet transistor

Pour expliquer l'effet transistor nous allons nous reporter aux conséquences de la juxtaposition de deux jonctions PN, puisque comme nous allons le détailler l'effet transistor est essentiellement basé sur l'injection de porteur minoritaires dans un cristal semi conducteur.La façon la plus directe pour injecter des porteurs minoritaires dans un cristal de semi-conducteur est de réaliser une jonction PN et de polariser celle-ci dans le sens direct. Un bref rappel nous dit que dans ces conditions les porteurs majoritaires de la région N (électrons) vont passer dans la région P et devenir minoritaires et nous observons le cas inverse pour les porteurs majoritaires (trous) de la région P.

















                           Jonctions séparées                                                                          Jonctions en contact

Une question nous viens à l'esprit : que vont devenir les porteurs minoritaires injectés dans la région de signe opposé?
Les porteurs minoritaires sont injectés dans un cristal déjà bien saturé de porteurs de type opposés, il est bien certain dans ce cas que la durée de vie des porteurs minoritaires ne va pas être très grande, en effet dès qu'un électron rencontre un trou il disparaît et vice versa. Ce phénomène de neutralisation de porteurs minoritaires porte le nom de recombinaison.
Pour les semi-conducteurs employés pour la fabrication des transistors cette durée de vie varie de quelques micro secondes à quelques milli secondes, la décroissance de la durée de vie des porteurs minoritaires est une fonction exponentielle du temps. La distance parcourue par un porteur minoritaire avant de disparaître se nomme longueur de diffusion, celle-ci est bien sûr en relation avec la durée de vie des porteurs, elle est de l'ordre du millimètre.
Une chose très importante à retenir est que pour que l'effet transistor se manifeste il faut absolument que la durée de vie des porteurs minoritaires soit la plus grande possible.

Nous venons de disposer les première briques pour comprendre l'effet transistor, voici maintenant une première définition :
L'effet transistor consiste à injecter sous faible tension un certain nombre de porteurs minoritaires dans un cristal et de les recueillir à leur sortie  avec une différence de potentiel plus grande que celle nécessaire à leur injection. En fait les porteurs ont été accélérés par une différence de potentiel élevée par rapport à la tension nécessaire pour l'injection. On peut dire également que le transistor est un amplificateur de puissance, puisque l'on récupère le courant injecté sous une tension plus importante.


Constitution d'un transistor
Nous parlerons ici que du cas du transistor à jonction puisque les premiers transistors à pointes ne sont aujourd'hui plus utilisés.
Un transistor se compose en fait de deux jonctions successives réalisés sur un cristal de semi-conducteur (ou mono cristal). Ce dispositif comporte donc une région de semi-conducteur dopée N puis une région de type P et enfin une région dopée N, ce premier transistor décrit est du type NPN. Il existe un autre transistor d'appellation PNP dont les jonctions construites sont comme vous le devinez de type P puis N et P.







                                Transistor PNP                                                                              Transistor NPN

Cette disposition de jonction peut nous faire penser à deux diodes juxtaposées, nous verrons plus loin qu’il est impossible de réaliser un transistor avec deux diodes séparées .
Le transistor comporte trois électrodes nommées Base Emetteur et Collecteur (E,B,C).La jonction Emetteur-Base sera toujours polarisée dans le sens passant (ou direct) et la jonction Collecteur - Base dans le sens bloqué (ou inverse).






















Symbole du transistor





     



                                      Transistor NPN                                                            Transistor PNP

Nous allons maintenant résonner sur un transistor de type NPN, ces explications seront bien sûr valable pour le transistor de type PNP, il suffira d'inverser les polarités données dans les exemples. Nous allons prendre par exemple le schéma donné ci après (Nota :les résistances de limitation ne sont pas insérées dans les schémas par souci de clarté et de simplicité). Comme nous le voyons la première jonction du transistor (Jonction E,B) est polarisée dans le sens passant, c'est à dire que le moins de l'alimentation est relié à l'émetteur du transistor (cathode de la première diode E-B) et le plus de l'alimentation est relié à l'électrode de Base (anode de la diode E-B). Ce schéma est donné bien sûr à titre pédagogique et pour une meilleur compréhension.

1) Dans un premier temps l'alimentation de la jonction E-B est assurée par une pile de 1.5 V . Que se passe t'il ? Sans trop anticiper on peut constater que la jonction E-B est polarisée dans le bon sens et donc il existe un courant allant de E vers B (sens réel du courant).
La pile de 1.5v fournit des électrons à la région N de l'électrode d'Emetteur donc on augmente leur diffusion dans la jonction ( N vers P) , et en retire de la région P, ce qui favorise également la diffusion des trous (P vers N) ou ils disparaissent par recombinaison avec des électrons constamment renouvelés par la pile. Tout ceci pour conclure que la jonction conduit comme le ferait une jonction de diode classique.






















                                         La jonction Emetteur Base polarisée dans le sens passant


2) Nous allons maintenant alimenter la deuxième jonction (Collecteur - Base) dans le sens bloqué. Le plus de la pile de 9V est reliée au collecteur et le moins à la base . Que ce passe t'il ? La jonction est polarisée dans le sens bloqué donc aucun courant ne la traverse excepté le courant inverse. Hé bien non… on constate au contraire que le courant passant dans le collecteur (courant Ic) est sensiblement égal au courant circulant dans la jonction Emetteur Base, donc que Ie = Ic.
























                                                                               



                                                                          Les deux jonctions alimentées


Explications du phénomène
La région N de la première jonction ou est connectée l'émetteur injecte des électrons dans la région P de la base ou ils deviennent minoritaires. Ceux-ci diffusent comme nous l'avons précisé et lorsqu'ils atteignent la deuxième jonction (Base-Collecteur) ils sont attirés très facilement par le champ créé par la pile de 9v et régnant dans la région. Résultat : les électrons passent et traversent facilement la région N en subissant une différence de potentiel importante et se dirigent vers le pôle positif de la pile en créant un courant (Ic). La région intermédiaire est en fait une zone de transit, les porteurs injectés par l'Emetteur se retrouvent dans le circuit de Collecteur. Ainsi la plupart des électrons émis par l'Emetteur ressortent par le Collecteur. Ceci résume également l'appellation des broches du transistor: Emetteur pour la région qui injecte des porteurs, Collecteur pour la région qui reçoit les porteurs émis et Base pour la zone de transit. Si dans notre montage nous débrancherions le collecteur ou bien si la base était trop épaisse alors le courant d'émetteur irait en totalité vers la base.
Nous avons dans notre montage expérimental émis des électrons sous une faible tension (1.5 v) à l'entrée par l'intermédiaire de l' Emetteur et nous avons recueilli le même courant sous une tension plus élevée (9v), on pourrait dire que le gain en puissance est de 9/1.5 soit un gain de 6. Nous sommes en présence d'un élément capable d'amplifier une puissance. On peut également remarquer que si l'on modifie le courant entrant dans l' Emetteur à l'aide de la résistance R on s'aperçoit que le courant Ic suit également une variation.




























                                                                     Vue des courants dans le transistor






Amélioration de l'effet transistor
Lorsque qu'une jonction conduit il y a à la fois des porteurs minoritaires provenant de la région N et se dirigeant vers la région P et vice versa ce qui dans le cas de la jonction Emetteur - Base peut se traduire par l'expression : Ie = Ie(trou) + Ie(électron). Ce qui signifie que le courant d'émetteur est égal au courant créé par le déplacement des trous + le courant créé par le déplacement des électrons.












                                                                         La double diffusion des porteurs


Ce phénomène se nomme la double diffusion des porteurs. Si maintenant nous revenons à notre transistor NPN étudié ci dessus, on s'aperçoit que ce sont les électrons issus de la région N de l' Emetteur qui vont être attirés par la région polarisée positivement du Collecteur, donc on essaiera de faire en sorte de diminuer au maximum les porteurs positifs (trous) issus de la base et allant vers la région Emetteur. Pour se faire il suffit de doper fortement la région N de l'Emetteur et de doper très faiblement la région P de la base, de la sorte le courant circulant dans la jonction E-B sera fait pratiquement par des charges négatives (électrons).Si nous dopons par exemple l'Emetteur 100 fois plus que la base alors le courant circulant dans le collecteur représentera pratiquement 99% du courant d'Emetteur.
Un autre phénomène peut gêner le bon fonctionnement d'un transistor, il s'agit des recombinaisons, ce phénomène se concrétise lorsqu'un électron rencontre un trou dans la région opposé et se recombine avec celui-ci en disparaissant. Ce qui signifie dans le cas du transistor NPN que tous les électrons émis par l'Emetteur n'atteindront pas la région du Collecteur. Pour palier à cet inconvénient il suffit de limiter le risque de recombinaisons en faisant une jonction de base la plus mince possible (quelques microns), ainsi les électrons n'y séjourneront que très peu de temps et on limitera le risque de recombinaisons. Les performances dynamique des transistors utilisés en hautes fréquences sont liées entre autre à l'épaisseur de la base.
Quant au Collecteur, il est constitué d'une région moyennement dopée et épaisse. Plus la région sera faiblement dopée et épaisse et plus la tension VBC inverse maximale que supportera le transistor pourra être importante, sans entraîner le claquage de la jonction.
Tous ces défauts que l'on vient d'énumérer seront concrétisés par un courant circulant dans la base, puisque tout électron "perdu" doit être de toute façon fournit par la source de tension Emetteur -Base ( VBE ).
Pour conclure : Le courant Ic est égal au courant Ie amputé du courant ib retournant vers la base :

                                                  Ic = Ie - Ib  ou bien  Ie = Ic + Ib




P.Mayeux
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